Association « Archéologie et Paysages en Meuse »
Mise au jour d’une pierre tombale dans l’église Saint Hilaire de Savonnières en Woëvre (érigée en 1847)
Circonstances de la découverte :
Au cours d’une visite privée dans l’église du village de Savonnières-en-Woëvre (situé 8 km à l’Est de Saint-Mihiel), Denis Mellinger, en compagnie de François Hervieux, remarque la présence de lettres gravées au sol, sous des dalles, à la base du maîte-autel. Celles-ci étant alignées, il imagine qu’elles peuvent être la partie apparente d’un texte caché.
Figure 1 : Photo : M.Reeb Figure 2 : Photo D. Mellinger
Le 21 octobre 2017 : Mise au jour :
Avec l’accord du maire de Valbois, Mme Marcus, Denis amène sur les lieux une petite équipe de l’association « Archéologie et Paysages en Meuse » formée de Nathalie Reuter, Arnaud Mathieu, Jacques Piquet et Grégory Wilmet, en présence du maire délégué de la commune, M. Marcus.
Après un diagnostic sur l’adhésion des marches avec le dallage, ils procédent à la dépose de deux pierres de marche recouvrant les éléments gravés. Cette opération est réalisée sans dommage car le mortier constitué de chaux et de sable local s’enlève facilement.
Avec précaution, ils enlèvent les pierres avant de les déposer sur des rondins ce qui facilitera leur remise en place ultérieure. Apparaissent alors deux dalles en calcaire à entroques local, d’environ un mètre de long, jointoyées sur leur largeur. Celles-ci sont ensuite balayées et brossées doucement au pinceau pour révéler un texte gravé sur la première et un blason sur la seconde.
Vue d’ensemble des deux dalles dégagées :
Figure 3 : Photo D. Mellinger Figure 4 : Photo D. Mellinger Figure 5 : Photo D. Mellinger
Première dalle au-dessus : Dimensions : L : 105 cm ; l : 65 cm
Le texte : Cy gist honnoree
Figure 6 : Photo D. Mellinger
Dame Marie Anne
Fille de Charles
Oryot escuyer seigneur
De Jubainville lieutenant
Général au bailliage de
St Mihiel espouze de
Messire Jean de la
Tour en Woivre chevalier
Seigneur de ce lieu
Laquelle est décédée
Le premier jour de juin
An 1687. Aagée de 28
Ans. Priez Dieu pour son
Ame
Requiescant in pace.
*La graphie « AAGEE » a été employée jusqu’à la fin du XVIIè siècle, elle vient du nom « AetAticum » en latin. Le second A sera ensuite remplacé par l’accent circonflexe.
Figure 7 : Photo D. Mellinger
*« Quiescant in pace » : le verbe quiescere en latin signifie reposer ou être étendu. Il est ici conjugué à la 3è personne du pluriel du subjonctif pour exprimer le voeu qu’ils reposent en paix.
*A plusieurs reprises, on note que le sculpteur associe deux lettres en une (par souci de gain de temps ou d’économie ?) comme le AV de bailliage ou le 1er jambage du N de JVBANVILLE qui est surmonté d’un point.
L’épitaphe fait état du décès, en 1687, d’une notable locale : Marie-Anne d’Oryot de Jubainville, mariée à Jean de la Tour en Voivre le 5 septembre 1680. La découverte est intéressante car la date du décès et le lieu d’inhumation de cette noble dame, née vers 1660, étaient inconnus jusqu’alors.
Ce que l’on sait de sa famille :
* Son père : Charles Oryot III, chevalier et seigneur de Jubainville, de Houdelaincourt, de la Tour Forte de Menoncourt, conseiller d’Etat du duc de Lorraine, lieutenant général civil et criminel du bailliage de St Mihiel et chef de la police de ladite ville.
* Sa mère : Jeanne Millet-d’Estouf (mariée le 25 juillet 1645), elle-même fille de François Millet-d’Estouf, conseiller de la ville de Verdun et seigneur de Mors.
* Ses frère et soeurs : Un garçon : François-Charles et trois filles : Marguerite-Charlotte, Catherine et Henriette.
* Son époux : Jean de la Tour en Voivre, seigneur de Savonnières et capitaine au régiment de Maras au service du duc Charles IV. Quatre enfants sont nés de leur union : Jean, Antoinette, Catherine et Charles-François.
La Croix Castillard : commune de Buxières sous les Côtes
Figures 8 et 9 : Photos D. Mellinger
En 1686, Nicolas CASTILLARD et son frère François, nés à Woinville, sont tués à coups de fusil, dans la forêt,par des sbires de Jean de La Tour, seigneur de Savonnières, sur ses ordres, pour lui avoir refusé l’absolution.
Une croix, ruinée depuis, est érigée sur le lieu du crime. Elle a été remplacée par une autre sur la route de Saint- Mihiel à Woinville, à 1300 mètres de la première.
Elle porte cette inscription : « Cette croix a été érigée et relevée en 1928 par la piété de la famille, à la mémoire de M. N-V Castillard, curé de Woinville pendant 49 ans. Son frère et lui furent victimes d’un devoir religieux en 1686 ; Priez Dieu pour leur âme ».
Seconde dalle en dessous : Dimensions : L : 80 cm ; l : 65 cm
Certains textes associent le blason en forme de losange à une personne de sexe féminin. Ici, on a plutôt un carré qui a subi une rotation.
Figure 10 : Photo D. Mellinger
Il s’agit du blason d’or à trois croissants de gueules qui a été offert par Charles duc de Lorraine à son conseiller Nicol Oryot le 22 février 1601 pour faits et actes vertueux. Les croissants de lune sont le symbole de la noblesse, de la richesse, de l’honneur et de la renommée. Le terme « de gueules » est relatif à la couleur rouge de l’émail héraldique.
L’existence de la famille d’Oryot d’Apremont remonte la fin du XIIè siècle, ses ancêtres sont proches de l’évêque de Verdun. Ils tiennent les rênes du pouvoir ecclésiastique et temporel sur la région de Saint-Mihiel.
Ils ne sont pas des Apremont de souche, mais par alliance. Leur descendant qui épouse la dernière de la lignée des Apremont va prendre possession de la maison de celle-ci, avec ses titres et ses armes (blason).
(Source : Les premiers seigneurs d’Apremont)
Le 25 novembre 2017 : Deuxième phase de travail :
Toujours en présence du maire délégué de la commune, Denis Mellinger intervient, cette fois-ci avec Michel Reeb (Président d’APM), Jean-Marc Baldauf et Marceau Jacquemin. Un nettoyage méticuleux des dalles permet de constater la présence de résidus de peinture noire dans le sillon de quelques lettres gravées : le 2è N, le H et le R visibles sur la photo n° 9.
Figure 11 : Photo M. Reeb Figure 12 : Photo D. Mellinger
Le dessous de l’autel est exploré sans succès. Les baguettes de géobiologie maniées par Michel puis par Denis déterminent une cavité correspondant précisément à la superficie des deux dalles. La présence d’une tombe est donc une hypothèse plausible.
Les marches qui avaient été ôtées sont alors juste repositionnées de manière à préserver les inscriptions de toute dégradation.
Figure 13 : Photo M. Reeb
Un point sera fait avec la commune afin de mettre en valeur cette découverte de la manière la plus judicieuse qui soit.
La DRAC Lorraine a bien sûr été informée par l’intermédiaire de Stéphanie Jacquemot, responsable pour la Meuse.
Une question se pose enfin : Etant donné que la pierre tombale date de 1687 et que l’église actuelle a été bâtie en 1847, celle-ci aurait-elle été reconstruite sur l’église primitive ? La recherche d’autres sépultures anciennes dans le cimetière attenant serait peut-être à envisager.
Rédaction du rapport : Denis Mellinger et Michel Reeb (20/12/2017).